bien

Le Bien Public
(à partir de l’exposition de David Hominal au Consortium)

« Partout le plus haut bien ne commence-t-il pas par une maladie ? »
Novalis, Fragments (Le projet encyclopédique, 1798-1799)

Il y a quelques années, à l’atelier, j’ai été frappé par les paroles d’une chanson de Miossec – dont je ne connais pas bien la musique – mais qui m’ont paru s’adresser directement à moi : « Tout a déjà été dit / Mais ce n’est pas grave / Car personne n’écoute / Personne n’écoute » (Chanson que personne n’écoute, 2011). Quand je pense à l’exposition de David Hominal au Consortium, que je n’ai vu qu’une seule fois (le soir du vernissage), ces paroles reviennent me hanter.

Toutes ses peintures ressemblent à des peintures qu’on a déjà vues, interprétées et oubliées. Ses peintures de fenêtres ressemblent à des Twombly, les autres à des Christian Lindow (par un effet de résonance locale avec l’exposition Lindow, en 2015 au Consortium). Les peintures gestuelles ressemblent à toutes les peintures gestuelles, les oignons, les tournesols, les ananas ou les monochromes pourraient avoir été peints par n’importe quel artiste représenté par une galerie. Il n’y a que les peintures de smileys qui sont vraiment étranges et singulières, mais peut-être seulement par contraste avec la banalité des autres.

Au début des années 2000, il semblait difficile de faire une peinture sans se référer discrètement, avec élégance ou humour si possible, à l’histoire dont on s’inspirait. Mais aujourd’hui, tout ça parait inopérant. Détendez-vous : ça n’a pas d’importance. Que toutes les peintures se ressemblent, c’est une évidence. Il y a d’autres choses qui se ressemblent. Vouloir se démarquer des autres est une volonté à la fois puérile et vaine – à laquelle nous adjoignent tous les jours des publicités mensongères. La seule chose à faire est de peindre ce qu’on a envie de peindre, ce qui nous paraît nécessaire et évident d’après notre intuition. Suivre son intuition, c’est la seule manière de réfléchir sérieusement à son travail. Pas l’intuition débile de l’expression de soi, mais l’intuition de ce qu’il est possible de peindre en étant soi, en étant un artiste.

Les politiques de soutien aux artistes contemporains sont radines et mesquines, toujours suspicieuses, parce qu’elles considèrent implicitement que les artistes travaillent pour eux-mêmes, pour leur réputation et leur succès personnel. Elles oublient complètement que les artistes travaillent pour le bien commun, à une échelle qu’il est évidemment difficile d’évaluer en termes de retombées électorales. Mais le bien qui ressort des œuvres d’art n’est pas de même nature que la notion morale qui porte le même nom. L’art n’aide pas les gens à se loger, à se nourrir, ni même à se divertir. Il n’arrête pas les balles et ne rétablira jamais la paix dans le monde. Sa vanité, sa prétention et son inutilité le rendent méprisable aux yeux d’un grand nombre de personnes qui n’ont pas complètement tort, mais qui négligent le bien que l’humanité se fait à elle même par ce mal.

À quel degré faut-il voir les peintures de David Hominal ? Aucun, il n’y a plus de degré parce qu’il n’y a plus d’échelle. Bien sûr, je ne suis pas prêt à l’accepter si facilement, je ne suis pas sûr de trouver ça bénéfique. Mais l’art que j’aime est celui qui me soustrait quelque chose (la vue, ou l’intelligence). Est-ce qu’il n’a pas aussi un rôle maléfique, empoisonné ? Si le pouvoir de l’art résidait dans sa seule force bénéfique (beauté, vérité, intelligence, humour), le monde de l’art appartiendrait totalement aux collectionneurs. Un conseil (conseil d’ami, pas d’Art Advisor) : recherchez l’art qui vous veut du mal.

 

Vues de l’exposition sur le site du Consortium

detendez-vous(Jardins de l’Arquebuse, Dijon. Photographie Anne-Zoé Leroi)